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PARAGONE
GALERIE D'ART ET D'AUJOURD'HUI
Artiste
Joliane Siegel
Chez Joliane Siegel, la toile est une arène où s’affrontent différentes formes de vivant. Toujours en train de se battre ou se débattre, avec une folle énergie mais dans un équilibre qui menace à chaque instant de se rompre. La vie est à ce...
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prix. Bienvenue dans le monde de Joliane Siegel ou les scènes racontent une histoire, mais une histoire qui refuse d’être trop explicite. L’artiste met pourtant dans sa peinture des éléments pleins de séduction: du mouvement, des couleurs vives, une scène centrée sur les personnages, et clairement quelque chose en train de se jouer. La peinture est narrative: il se passe quelque chose d’essentiel sous nos yeux, même si on n’en a ni les tenants ni les aboutissants. Seule certitude: l’espace de l’oeuvre est une arène où se livrent des combats vitaux. Une ou deux créatures, parfois si entremêlées qu’on ne sait trop à qui appartient tel ou tel membre. Elles s’empoignent, se défient, se retiennent l’une à l’autre pour ne pas tomber. Tour à tour des hommes, des animaux, avec une prédilection pour ceux qu’on pouvait trouver dans la mythologie, des bébés monstrueux, des squelettes, des créatures fantasmées, voire des chimères quand un corps d’oiseau possède une tête humaine en haut et une seule patte en bas: bref de tout du moment que cela bouge, car c’est cette énergie qui va définir la vitalité, le principe de vie. Tous sont donc, sans hiérarchie, les héros de ces scènes. Tous se débattent comme ils peuvent au coeur de cette arène. En dehors d’elles, un fonds abstrait, guère de détails, pas d’ombres projetées par les personnages. Une seule chose à regarder: ces créatures qui s’agitent, dans un équilibre souvent instable. “Ca tombe beaucoup” précise d’ailleurs l’artiste. En filigrane, une thématique évidente: la guerre, le conflit. Tous sont en position d’affrontement. Si ce n’est les uns contre les autres, c’est contre eux-mêmes, ou plus rarement, contre un objet, comme ce chien qui bondit sur un lit, ne sachant comment éviter la grenade qui s’y trouve. La vie est un combat, un combat qui demande une énergie folle pour s’imposer dans une arène où on n’a pas choisi de se trouver. On peut évidemment faire le lien avec la vie privée de l’artiste, qui a eu dans l’enfance des rapports complexes avec sa famille et a dû sur le tard entrer en analyse pour retrouver l’équilibre et renouer avec la peinture qu’elle avait abandonnée plus d’une décennie. Mais pas besoin de connaître ces détails pour “lire” les scènes proposées par l’artiste. Comme l’a écrit il y a plus de dix ans Maurice Zytniki, Joliane Siegel peint ou dessine “l’isolement des gueules et des figures du corps pour les projeter seules sur des surfaces étranges où elles s’arrangent d’un sens nouveau”. Dans ce monde bizarre et farfelu, l’artiste mélange un côté mystérieux, insaisissable avec une bonne dose d’humour, et un côté ludique évident, qui est le miroir de sa méthode: “Je fonctionne par rapport à l’actualité ou à ce qui m’entoure. Cela part d’un fait de société, puis c’est mouliné dans ma tête. Parfois je n’arrive pas à travailler, je vagabonde, je réfléchis, puis je travaille à plein temps pendant cinq ou six mois. Je fais des croquis, des carnets, je scanne mes dessins, puis je travaille la composition sur ordinateur. C’est un peu une technique de collage, mais je reprends ensuite la peinture et les pinceaux. Je commence à l’acrylique et je finis à l’huile. Pour Last Dance 2019, même si ce n’est pas évident, l’inspiration est à chercher du côté de l’arrivée de Trump: “avec un ami peintre de Dunkerque, Jean-Paul Souvraz, on a voulu à ce moment-là faire un tableau sur la mort drôlatique. C’est parti de là”. La mort drôlatique. Comme la vie, mélange de bêtise et de cruauté que l’artiste fait émerger à travers sa peinture. Anne Devaillly